dimanche 27 juillet 2014

L'autre côté de la barrière

L'ambiance d'un club le matin, et en particulier à Saint-Cyr, m'avait beaucoup plu pendant mes quelques heures de PPL, que je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de terminer correctement. La formation ATPL touchant à sa fin, il était pour moi hors de question de rester chez soi à se morfondre devant la boîte email à se voir écrire que je n'ai pas assez d'heures et pas de QT. Alors je mettrai peut-être plus de temps à accéder à un cockpit d'airliner, mais je pense que ce ne sera qu'un plus en expérience, que de passer du temps de l'autre côté de la barrière: celle des instructeurs. C'est ma vision des choses. Ceci dit, ma perception du travail en club a évolué, après un petit temps (18 mois) à se formater a des concepts ultra-rigides en vue du commercial. Même si la qualification FI reste à mon sens un investissement tellement plus intéressant qu'une QT+AEL, j'ai choisi -pour moi- de pouvoir bénéficier d'une flotte la plus variée et la plus hétéroclite possible. D'où mon choix de me tourner vers l'aéroclub Paul Tissandier, plutôt qu'aux Alcyons.


Rendez-vous avec le premier élève à 10h30, pour un lâcher machine. J'ai pu constater très vite que, même en inversant les rôles, en se glissant dans la peau de quelqu'un que l'on n'est pas vraiment (du moins pas encore), et la proximité avec l'instructeur, que l'on finit par bien connaître, ça fait rentrer dans une petite bulle de confiance qui rend plutôt prévisible les erreurs qu'il va être amené à commettre, pour l'aspect démonstratif de l'instruction en vol. Maintenant, il faut, en plus de se sentir être responsable de la bonne conduite du vol, ce qui est inhérent à la région parisienne et à ses interdictions de survol de partout, apporter à la personne en place gauche ce qu'elle ne sait pas. D'ailleurs, ça peut aussi porter sur de l'anticipation de la météo, voire dans de l'identification d'indices atmosphériques, indiquant un phénomène particulier, comme le fait de passer sous l'enclume d'un CB en formation.


En plus, et pour moi, déjà, certaines techniques de pilotage sont devenus naturels, au point d'avoir du mal à définir ce qu'il faut percevoir. C'est ce qui permet de libérer de la disponibilité intellectuelle et de progresser dans la formation grâce à une capacité d'attention accrue; pour l'analogie, c'est un peu comme un bébé qui apprend à marcher: au début, le fait même de se tenir debout lui demande de la concentration, et de l'aide, puis progressivement, il va pouvoir réfléchir à mettre un pied devant l'autre, une fois que son sens de l'équilibre se sera un peu développé, avant de pouvoir commencer à courir une fois qu'il n'y a plus à réfléchir aux mouvements des pieds. Maintenant, transposer ça à un élève qui naturellement n'a pas la disponibilité de l'instructeur d'instructeur, qui a juste 10 fois plus d'heures que vous et qui donc, a nettement plus de ressources disponibles à accorder, ça met en lumière d'une façon assez phénoménale un point de briefing qu'il aurait été bon de voir avant le vol, et pas pendant, comme par exemple, l'utilisation de la réchauffe carburateur, pour un élève qui a été formé sur Cessna, et qui découvre le DR400 (Flex, si jamais tu me lis ;-)) ), ou encore les vitesses remarquables ...



Et puis, il y a quand même ce pour quoi on a été formé: instruire les futurs pilotes privés. C'est d'autant plus intéressant pour moi vu que les élèves que j'ai pour le moment ont une progression très vaste, allant des vols de découverte avant le cursus PPL, jusqu'aux pilotes lâchés à former aux navigations, aux déroutements, etc etc, en passant par les élèves à former aux tours de piste en vue des différents lâchés, la seule ombre au tableau restant la participation aux voyages-école, comme celui que j'avais fait à Alderney du temps où j'étais encore élève PPL. En fait, pour le moment, le principal problème pour moi reste de sortir de l'instruction très scolaire qu'on nous a appris pendant la formation, et qui me donne (à tort ?) l'impression de brider la progression de certains élèves. En fait, j'ai à la fois du mal à me détacher des briefings courts, mais en même temps, je ne vois pas comment aborder certaines notions qui me semblaient abstraites pendant la formation FI, et qui m'apparaissent comme indispensables aujourd'hui. C'est le métier qui rentre, à ce qu'il parait, alors au boulot. De toutes façons, le passage de l'aéroclub en ATO pour se mettre en conformité avec les exigences de l'EASA, ça impose de nouvelles procédures, de nouveaux programmes, et surtout, des nouveaux livrets de progression.



Autre point de détail que je redécouvre de façon exacerbée en vol, mais plus pour les élèves en formation, cette fois-ci, c'est: sentir son élève. Nous sommes tous plus ou moins sensible à l'environnement aérien, et au vol plus en général. Certes, avec 300h, c'est plus rare d'être malade en avion, mais au début, nous avons tous été gêné par une après-midi bien chaude, ou les pompes et les turbulences mettaient à mal notre estomac. Si à ça, on rajoute la concentration pour ne pas dépasser 1500ft - et ainsi éviter que ce vol ne soit le dernier de l'instructeur pour un petit bout de temps =))) -, le résultat c'est que j'ai déjà remarqué plusieurs fois les élèves recaler la bouche d'aération sur eux pendant le vol, signe pour moi qu'il faut un peu calmer le jeu, que ce soit au niveau des évolutions aussi bien qu'au niveau de la pression que l'on met sur le dos de l'élève, et vu que le stress est très communicatif, et que je le suis d'autant plus que le plafond en classe A est bas -1500ft au départ de LFPZ (il est déjà loin le temps des montées & descentes lissées que je faisais à ma 300nm solo dans le sud de la France)-, c'est d'autant plus difficile pour eux, tout comme pour moi, il faut bien l'avouer.


Pour revenir aux comparaisons "stage vs réalité", la formation FI nous a appris à placer notre niveau d'exigence en fonction des objectifs visés par l'élève, mais aussi à adapter notre discours à ses facultés d'apprentissage. C'est d'autant plus vrai en club, à mi-chemin entre l'association de pétanque et l'antichambre de la formation professionnelle. En fait, pour être plus précis, pour moi aussi, chaque vol est un apprentissage: celui de savoir correctement évaluer la prestation de l'élève, et c'est encore plus vrai, vu que le profil unique de l'instructeur est le contraire de ce qu'on rencontre en club. Je découvre au fur et à mesure toutes les facettes du cours de psychopédago qui remonte déjà à teeeeeeeellement loin ! Je me rassure en disant qu'il y en a au moins un que je détecte assez facilement, c'est l'élève pilote sur Flight Simulator, ce que j'ai moi-même été à mes débuts. Bon, du coup, je fais ce que mes instructeurs ont fait à ce moment là, ils m'ont planqué les instruments de bord, et j'ai été forcé de voler en regardant dehors. Comme quoi, la boucle est bouclée.


Un autre acquis de la formation FI que j'essaie de garder à chaque fois, c'est l'organisation du débrief. Toujours commencer par demander à l'élève de s'auto-évaluer, et à ma surprise générale, ils tapent quasiment tous dans le mile. Gros GG ! On voit ensemble ce qui ne va pas, et pour conclure, on passe sur le positif, tout ce qui m'a plus pendant le vol (note à soi-même: organiser mieux mes notes pendant le vol, et surtout, ne pas les avoir de façon parcellaire, quoique c'est difficile de guider l'élève pour l'atterrissage, de surveiller la radio, et d'écrire en même temps sur son calpin).

Allez, yapluka. C'est le début de la saison estivale, et je compte en profiter pour enlever ma restriction et passer le cap des 500 HdV en tant que Cdt de Bord sur avion. Autant profiter de cette période de latence qui arrive à pic, et qui sépare la sortie de formation du premier emploi de pilote professionnel. D'ailleurs, il reste quelques trous dans OpenFlyers, si jamais :)

Aucun commentaire: